Finance

Comment Amazon a dépassé Google dans la finance

En quelques années, l’e-commerçant a prêté 3 milliards de dollars aux PME et son service de paiement a explosé. De son côté, le moteur de recherche multiplie les échecs.

Le patron de Google, Eric Schmidt, a déclaré en 2014 : « Beaucoup de gens pensent que Bing ou Yahoo sont nos plus grands concurrents. En fait, notre plus grand concurrent en matière de recherche en ligne est Amazon. Trois ans plus tard, l’e-commerçant américain peut a transformé le test. Selon une étude de la firme américaine spécialisée dans le marketing Internet BloomReach Inc., 55 % des acheteurs en ligne américains commencent leurs recherches de produits sur Amazon.

Mais il y a un autre domaine où Amazon a surpassé Google : les services financiers. Le e-commerçant a deux succès à son actif. Le premier est son offre de prêt aux PME, Amazon Lending. Lancé en 2011, il permet aux entreprises vendant sur la plateforme de contracter des prêts à court terme entre 1 000 $ et 750 000 $. En six ans, le géant du e-commerce a déjà accordé plus de 3 milliards de prêts, dont 1 milliard au cours des douze derniers mois. Selon Amazon, 50% des 20 000 entreprises qui ont déjà contracté un crédit en contractent un second. Disponible aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, le programme doit être étendu à d’autres pays européens dont la France, mais aucune date n’a encore été communiquée.

Comment expliquer ce succès ? Première raison : le lien entre le cœur de métier d’Amazon et le monde du crédit. « On a vu le même phénomène avec les distributeurs français il y a vingt ans. Ils ont donné naissance à des sociétés de crédit comme Cofidis pour Les 3 Suisses. Ces entités ont bénéficié des réserves de ventes et des données des distributeurs. aujourd’hui la même chose avec Amazon », explique Thomas de Bourayne, PDG de Credit.fr, plateforme de crowdlending dédiée aux PME. Mais Amazon a une plus grande force de frappe que nos distributeurs tricolores. Deux millions de grossistes, commerçants indépendants, petits magasins et particuliers vendent des produits sur Amazon.com. En 2016, Amazon a stocké et expédié 2 milliards de produits pour le compte de ces marchands tiers, soit deux fois plus qu’en 2015. « Aujourd’hui, les vendeurs utilisent la place de marché pour entrer en contact avec les producteurs. Obtenir un crédit est donc naturel puisqu’un fournisseur doit se couvrir par une assurance-crédit pour le risque de non-paiement », ajoute Julien Madonato, directeur conseil spécialisé sur les sujets d’innovation dans l’industrie financière chez Deloitte.

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Amazon a un autre point fort : sa toute-puissance. Le géant américain sait tout de ce qui se passe sur sa plateforme. « Il y a beaucoup d’informations sur Amazon : les commentaires des personnes qui peuvent se plaindre d’un colis, le délai de livraison… Il sait aussi si le commerçant vend sa marchandise », note Olivier Goy, président de Lendix, une autre plateforme de crowdlending. « Amazon, comme Alibaba, a construit des bases de données et des bases de notation très précises. Il a donc un pouvoir prédictif incroyable », explique Julien Maldonato. « Les données, dont lui seul dispose, lui permettent de proposer une offre de crédit pertinente. Il sait bien tarifer son offre, limiter les risques et offrir des capacités de développement à son client », ajoute Thomas de Bourayne. Le e-commerçant ne propose des prêts que sur invitation, lorsqu’il estime qu’un commerçant en a besoin. Un bon moyen de limiter les risques. Selon Amazon, 95% des demandes sont approuvées.

Dernier facteur de succès, la simplicité de l’offre. Sur son blog dédié à la vente sur Amazon, Diana Poisson partage les différentes démarches pour contracter un prêt. Comme elle le souligne, il y a très peu de paperasse à remplir car Amazon dispose déjà de toutes les informations sur le marchand. La plupart des prêts sont accordés en seulement deux jours contre trente pour une banque.

L’autre succès d’Amazon dans le domaine de la finance est Amazon Pay, une méthode de paiement qui vous permet de vous connecter et de payer sur des sites Web tiers avec vos informations de compte Amazon. Depuis son lancement en 2012, il a conquis plus de 33 millions d’utilisateurs et doublé ses volumes de paiement en un an (le montant n’est pas communiqué). « Amazon a une image de confiance auprès des acheteurs. Un utilisateur qui a déjà mis ses données de carte bancaire dans Amazon considère Amazon Pay comme un service sécurisé », souligne Lionel Vincke, directeur du cabinet de conseil spécialisé dans les moyens de paiement Azzana Consulting. « Surtout, Amazon dispose déjà de toutes les informations de livraison des acheteurs. Cette étape qui consiste à renseigner son adresse et son mode de livraison est souvent un blocage lors de l’achat. Avec ce service, Amazon apporte une véritable proposition de valeur au client. .”

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Google a également fait une incursion dans le monde du paiement en lançant le Google Wallet en 2011. Cette solution ne s’est pas imposée en raison de désaccords avec les grands opérateurs téléphoniques américains qui ont bloqué le fonctionnement de l’application. Le moteur de recherche est revenu à la charge en 2015 avec son porte-monnaie électronique Android Pay. Comme Apple Pay et Samsung Pay, il vous permet de régler vos achats en magasin avec votre smartphone. Mais comme pour ses concurrents, Android Pay n’est pas un gros succès pour le moment. Selon une étude de Juniper Research, le portefeuille de Google revendiquait 12 millions d’utilisateurs en 2016, contre 45 millions pour Apple Pay.

Utilisateurs dans le monde, en millions
2015 2016 2017 (estimations)
AndroidPay 2 12 24
Payer Apple 15 45 86
Payer Samsung 3 18 34

Pour Lionel Vincke, ces portefeuilles sont contraignants. « Apple Pay en France est un échec. La plupart des grandes banques ont refusé de jouer le jeu (seul BPCE l’accepteNote de l’éditeur). Pour le commerçant, une collecte de 2 à 3 % de la population n’a aucun intérêt. Android Pay, qui n’a pas encore été lancé en France, pourrait donc connaître le même scénario.

Google a eu un autre échec financier. En 2012, il lance Google Compare, un comparateur de services financiers au Royaume-Uni qui sera étendu trois ans plus tard aux États-Unis. Enfin, la firme de Mountain View a fermé son service un an après son lancement outre-Atlantique. Google a pris des commissions aux acteurs pour être bien référencé sur le site. Il a également été chargé par certains de ses partenaires de vendre des produits directement aux clients en ligne. L’une des raisons de cet échec réside dans l’outil lui-même. « Après le lancement en Angleterre, Google s’est rendu compte qu’il n’était pas possible de répliquer son outil dans un autre pays et qu’il fallait donc faire des déclinaisons pays par pays. Cependant, ce n’est pas sa tasse de thé. Google aime fabriquer des produits et services très globalisés. Il ne concevra jamais un outil technique lourd destiné à un seul marché », explique Hervé Hatt, PDG de Meilleurtaux.com, un groupe qui compte plusieurs comparateurs dont Meilleurbanque.com.

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Autre problème : l’Américain n’a pas réussi à séduire tous les acteurs du secteur. Son offre était donc incomplète pour les internautes. « Le métier de Google est de donner la réponse la plus pertinente possible. S’ils ne sont pas tous référencés, on perd en pertinence », souligne Guillaume Clavel, président de Panorabanques.com, un comparateur de services bancaires. Enfin, Google a continué à faire payer les banques et assurances pour apparaître dans les liens sponsorisés en haut des pages de recherche « assurance » et « banque »… et a placé son comparateur juste en dessous ! « Google se tirait une balle dans le pied à lui seul en concurrence avec les banques. Il se mettait sur le dos des gros clients. Cela a généré un énorme conflit avec eux », se souvient Hervé Hatt. Aller à l’encontre des banques et des assureurs n’était pas une option pour Google. « C’est la première agence de publicité au monde. Une grande partie de ses revenus provient de cette activité. Et le secteur qui en rapporte le plus, c’est l’assurance », poursuit Hervé Hatt. Nous ne mangeons pas de la main qui nous nourrit.

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