La technologie financière (FinTech) est un secteur composé d’entreprises diverses, allant des start-up prometteuses aux entreprises plus matures. Ce que ces fintechs ont en commun, c’est qu’elles utilisent la technologie pour rendre les services financiers plus efficaces. Ces entreprises évoluent à un rythme rapide, portées par l’économie du partage, une réglementation favorable et les technologies de l’information. Les innovations qu’ils apportent à la finance sont si prometteuses que les écarts de valorisation se creusent avec les entités financières traditionnelles. La valorisation de Revolut s’élève à 33 milliards de dollars, soit l’équivalent de celle de la banque anglaise Barclays ! Alors pourquoi les Fintech sont-elles si appréciées ?
Qu’est-ce que la valorisation d’une entreprise ?
La valeur d’entreprise (EV) est une mesure de la valeur totale d’une entreprise, souvent utilisée comme une alternative plus complète à la capitalisation boursière, car elle intègre la dette nette de l’entreprise dans son calcul. Cette valeur permet de calculer le juste prix d’une action sur un marché et est obtenue via des méthodes de valorisation.
Les méthodes les plus connues sont l’approche des comparables et la méthode DCF (Discounted Cash Flow). L’approche des comparables identifie le prix payé par les investisseurs pour des investissements dans des entreprises similaires. Des multiples boursiers de référence sont ensuite calculés : EV/CA ou encore EV/EBITDA, et ils sont comparés à ceux de l’entreprise à évaluer.
L’approche financière par la méthode DCF revient à considérer que l’entreprise est la somme actualisée des flux de trésorerie qu’elle émet chaque année, le temps de son existence : c’est le paradigme du « cash is king ».
Les activités bancaires et financières suivent des modèles de valorisation spécifiques qui se concentrent souvent sur des paramètres tels que les capitaux propres ajustés ou les dividendes. Cependant, ces paramètres ne sont pas significatifs avec les FinTech, surtout si elles sont au début de leur existence.
Dans la suite de cet article, nous nous intéressons aux écarts de valorisation entre les banques traditionnelles et les FinTechs.
Comparaison des valorisations Fintech vs Banque
La société britannique Revolut a annoncé en juillet 2021 avoir levé 800 millions de dollars dans un nouveau cycle de financement mené par SoftBank et Tiger Global. Revolut, qui propose des services bancaires et de trading via une application, est désormais valorisé à 33 milliards de dollarssix fois plus que le 5,5 milliards de dollars que valait l’entreprise l’an dernier.
En juin 2020, Checkout.com est devenue l’une des premières fintechs à tripler sa valorisation, suite à une levée de fonds de 150 millions de dollars en série B. Sa valorisation atteint alors 15 milliards de dollars.
De même, le fournisseur d’API financière Plaid, qui a récemment refusé un offre de rachat de Visa de 5,3 milliards de dollars, a levé de nouveaux capitaux à une valorisation beaucoup plus élevée. La valorisation de la fintech est passée de 5,3 milliards de dollars à 13,6 milliards de dollars en avril 2021, soit une croissance de la valorisation de plus de 2 et demi.
Le 29 juillet 2021, la fintech Robinhood, qui propose une plateforme de trading en ligne, fait son entrée à la Bourse de New York, en bas de la fourchette initialement prévue (38$-42$). La société est toujours valorisée à 32 milliards de dollars, soit deux fois et demie plus que l’an dernier lors de son tour précédent. Le groupe est valorisé 20 fois son chiffre d’affaires !
Écart de valorisation entre banques et fintech : un exemple concret avec Bank Of America et PayPal
Ci-dessous, nous présentons une comparaison éclairante entre les activités PayPal et Bank of America pour faire la lumière sur les écarts d’évaluation.
Ratio PayPal Bank Of America Capitalisation boursière 354 millions de dollars 323 millions de dollars Valeur d’entreprise (EV) 345 millions de dollars 323 millions de dollars P/R 92,6x 11,8x EV/CA 13,4x 3,69x EV/EBITDA 44,9x N/ALes niveaux de valorisation sont beaucoup plus élevés pour PayPal que pour Bank Of America : des multiples de 4 à 8 fois plus importants ! Alors comment expliquer de tels écarts ?
Comment expliquer de telles différences entre banque et fintech ?
Quel modèle de valorisation suivent les Fintechs ?
Les FinTechs ont un business model hybride puisqu’elles opèrent dans le secteur financier (bancaire) en déployant des solutions technologiques. Concernant leur valorisation, on peut donc se demander si les FinTech suivent les modèles de valorisation typiques des intermédiaires bancaires/financiers ou ceux des entreprises technologiques.
Voici trois graphiques qui apportent un peu de lumière. Nous comparons les courbes de croissance des performances de l’indice NASDAQ 100, de l’indice FactSet Global FinTech et de l’ETF MSCI Europe Banks émis par Amundi.
Graphique de l’évolution de l’indice Nasdaq de 2017 à 2021
Graphique de l’évolution de l’indice FactSet Global FinTech de 2017 à 2021
Graphique montrant l’évolution de l’ETF MSCI Europe Banks d’Amundi de 2017 à 2021
Nous observons que la performance des Fintech n’est pas corrélée à celle des banques traditionnelles. En revanche, le graphique met en évidence la corrélation entre la performance des entreprises technologiques et celle des Fintech, que le marché valorise donc de manière similaire.
Banque et fintech : différents business models
Le modèle économique des FinTechs est axé sur l’immatériel, combinant e-finance, technologies Internet, réseaux sociaux, intelligence artificielle, blockchains et analyse de données massives. Elle est plus innovante que celle des banques traditionnelles. Les FinTech semblent également très éloignées des banques à tous égards : elles ne collectent pas de dépôts et ne prêtent pas d’argent. Ils s’abstiennent de l’hyper-régulation en proposant non pas une intermédiation monétaire mais des services technologiques. Ils n’ont pas les contraintes de conformité des institutions financières qui nécessitent beaucoup d’investissements en capital et en main-d’œuvre.
En plaçant l’offre technologique au cœur de leur positionnement, elles n’ont finalement rien à voir avec les établissements bancaires et tout à voir avec les entreprises technologiques opérant sur d’autres marchés que la finance.
Sentiment du marché : euphorie d’un côté, désenchantement de l’autre
Deux phénomènes de sentiment de marché polarisent les valorisations des banques et des FinTech. D’une part, l’existence d’une bulle persistante des actifs technologiques : ces entreprises ont surperformé en période de COVID 19 et sont largement recherchées par les investisseurs. La hausse des prix est catalysée par les politiques accommodantes de taux d’intérêt bas et d’« assouplissement quantitatif » des banques centrales.
Ce même environnement macroéconomique défavorise en revanche les banques qui doivent prendre de plus en plus de risques pour générer des profits. Leur marge s’effrite et leur bilan s’alourdit. De plus, les opinions négatives se multiplient autour de ces établissements, ce qui a provoqué l’une des pires crises financières en 2008. La banque n’inspire plus les valeurs d’admiration et de réussite qu’elle véhiculait au 20ème siècle et le consommateur n’a aucune gêne à se tourner. son dos dessus.
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